Virginie Saks est la nouvelle ambassadrice FFI, « Collectivités et Services de l’Etat ». Femme de terrain, elle est la co-fondatrice de Compagnum qui accompagne les PME et ETI dans leur croissance avec et par leur écosystème. Avec une expertise unique : la stratégie territoriale des entreprises, ou comment faire du territoire un levier de croissance. Nous l’avons rencontrée à l’occasion de sa nomination. Elle nous parle de son parcours, de ses engagements et de ses missions.

– Les FFI : Pouvez-vous vous présenter en quelques lignes ? 

– VS : Je suis diplômée de l’ESSEC. Je suis partie travailler à l’étranger, convaincue, comme beaucoup de jeunes de mon âge, que la France était « has- been ». J’ai vécu à Singapour où j’étais en charge du business développement d’une startup de la Biotech – Moleac.  J’y suis restée un an. Je suis revenue en France pour faire du conseil au sein d’un cabinet américain, Monitor, depuis racheté par l’un des grands acteurs du conseil – Deloitte. Mais j’avais besoin de plus de passion, d’humain, de concret. Assez naturellement, je me suis dit : direction l’industrie ! 

« Jamais je n’aurais un jour imaginé que je trouverais belle une tôle d’aluminium ! « 

– Les FFI : Vous entamez donc un nouveau projet professionnel.

– VS : Je venais de commencer une mission pour Constellium -ex Pechiney-, entreprise pour laquelle j’ai eu un énorme coup de cœur.  Je suis devenue business planeur puis responsable commerciale en charge d’animer le contrat que nous avions avec Airbus et tous ses sous-traitants. Donc, je vendais de l’aluminium pour faire le fuselage, les ailes, les rails de siège… des avions. Cette entreprise m’a profondément marquée. C’est là où, pour la première fois, j’ai vécu « l’amour de la machine ». Jamais je n’aurais un jour imaginé que je trouverais belle une tôle d’aluminium ! J’étais basée à Paris mais les produits que je vendais étaient notamment produits dans l’usine d’Issoire, près de Clermont-Ferrand- , mais aussi près d’Angers, dans le Valais (Suisse) et aux Etats Unis. J’ai sillonné la France à la rencontre de nos clients ; j’ai réalisé que le talent de nos entrepreneurs industriels dont on parlait encore bien peu. Savait-on que, dans l’usine d’Issoire, on produisait une pièce métallique qui se retrouvait sur la tête des fusées de Space X ? Il s’agissait d’une pièce maîtresse essentielle à l’un des fleurons américains, à l’heure où les Etats-Unis nous enquiquinaient royalement avec la vente des Rafales… Je me demandais si quelqu’un au gouvernement savait que c’était en France que nous produisions cet alliage et que nous avions là un argument de souveraineté extrêmement fort.  

« L’engagement politique n’était pas prévu… »

– Les FFI :  c’est aussi à cette époque que vous prenez conscience de l’importance du territoire.

– VS : Tout à fait. Etonnamment, le lien d’une usine à son territoire n’a rien d’évident. Il est tout à fait possible, pour une usine, de se limiter à la création d’emploi local. Mais on peut faire bien plus que cela ! Quand le siège de l’entreprise est à Zurich (NDLA : il a depuis été déplacé à Paris) et que le fonds d’investissement est américain, tout dépend de la bonne volonté du Directeur du site. Les deux Directeurs de site que j’ai connus étaient respectivement parisien et suisse ; l’attachement au territoire n’était pas leur priorité – et je les comprends. Le Directeur actuel, lui, est issu du territoire ; cela change tout. Pour moi, l’absence de stimulation et d’écosystème industriel local était un vrai sujet. L’émulation d’un écosystème est un puissant vecteur de transformation ; sans cela, comment entrer dans l’ère de l’industrie 4.0 ou 5.0 ? « Notre usine était là il y a 50 ans et sera encore là dans 50 ans », me disaient mes collaborateurs. Pas si sur… Je n’arrivais pas à changer notre industrie de l’intérieur, j’ai donc décidé de partir (en me promettant de revenir un jour !) et me suis plus particulièrement intéressée au sujet des  territoires. Nous sommes en 2016, à la veille des présidentielles. Un candidat, Emmanuel Macron, en parlait particulièrement bien.

« Le premier écosystème d’une PME, c’est son territoire. »

– Les FFI : vous l’avez rejoint  ? 

– VS : Oui. Pourtant, l’engagement politique n’était pas prévu ! J’ai contribué à monter le département formation de la République en Marche. Notre objectif : former tous ces nouveaux militants politiques dont je faisais aussi partie. Nous avons orienté nos formations vers de l’entrepreneuriat politique : il s’agissait, au fond, de trouver une solution à un problème (ce que nos entrepreneurs savent bien faire !) et de pitcher le programme d’un candidat. J’ai travaillé, bénévolement, pendant les campagnes présidentielles et législatives. En 2018, j’ai co-fondé un Institut de formation politique – Tous Politiques ! – pour accompagner le renouvellement des pratiques politiques. Avec une idée en tête : renforcer le lien entre les collectivités, les élus,  la société civile et, bien sûr, l’entreprise. J’ai été Directrice Adjointe de Tous Politiques jusqu’en 2020, date à laquelle je suis revenue à mes premiers amours :  l’entreprise. Et pas n’importe laquelle : la PME, celle qui est le poumon des territoires, qui fait vivre notre économie et notre modèle social. J’ai co-fondé ma structure actuelle, Compagnum, qui accompagne les PME et ETI par leur écosystème. On ne conçoit plus une stratégie compétitive, utile et durable seul dans son coin – il faut coordonner plusieurs écosystèmes,  et ce le plus tôt possible dans la définition de la stratégie. Et le premier écosystème d’une PME, c’est son territoire. C’est pourquoi nous avons développé une expertise unique : la stratégie territoriale des entreprises, ou comment faire du territoire un levier de croissance. Ce qui me passionne, c’est d’être aux côtés des dirigeants et de leurs équipes, pour donner vie à un projet utile, compétitif et durable. Ce qui m’anime, c’est de créer ce parfait alignement entre territoire et industrie ; mon associé a une expérience complémentaire de la mienne auprès de start-up et PME dans le domaine du digital. Cela nous permet de créer des ponts entre différents secteurs d’activités et structures d’entreprise. Nous nous retrouvons bien sûr sur notre engagement citoyen et notre volonté de rapprocher les entreprises utiles de la société (notre raison d’être). 

« J’écris pour sortir de l’entre-soi »

  • – Les FFI : L’écriture est également une part importante de votre activité…Vous êtes l’auteur de « Elus et entreprises, je t’aime moi non plus ». – Editions Point d’Orgue-

– VS : Si j’écris, c’est pour sortir de l’entre-soi. Nous avons conçu des méthodes, utiles à tous – PME / ETI et territoire, c’est notre devoir de les partager au plus grand nombre. L’écriture, mettre en mot, permet d’affiner et de partager des points de vue et de cheminer vers l’action. Mon premier livre s’adresse principalement aux dirigeants pour leur transmettre une connaissance du territoire. Je prépare un nouveau livre sur le modèle stratégique des PME et ETI françaises ; qu’est ce qui les rend – nous rend – unique dans notre approche entrepreneuriale ? Je fais en sorte que des dirigeants inspirants puissent mettre des mots dessus. Je facilite des accès, j’ouvre des portes. Les élus et les institutionnels doivent comprendre les PME et ETI telles qu’elles sont aujourd’hui. De même pour nos étudiants. J’écris par ailleurs d’autres publications, comme un Guide de l’implantation industrielle à destination des dirigeants de PME et ETI. Ouvrir un nouveau site, agrandir le sien, réhabiliter une friche… est une condition nécessaire à notre effort de réindustrialisation. Or les dirigeants sont livrés à eux-mêmes ! Il faut leur donner les clés pour comprendre les étapes du parcours d’implantation et les écueils auxquels ils seront confrontés afin de mieux maîtriser les couts, délais et réussite de leur projet. Tous les travaux en cours sur le foncier industriel s’adressent à des collectivités et acteurs publics ; nous nous adressons aux industriels. 

« Il y a des conditions à notre réussite »

– Les FFI : vous avez parlé de votre engagement politique un peu plus tôt dans cette interview. Seriez-vous tentée par une nouvelle aventure dans ce domaine ?

– VS  : Nos élus donnent une énergie considérable au service du bien commun. Mais malgré ça, et avec le respect qu’on leur doit, non – leur rôle ne me plairait pas. Pour deux raisons : la première, c’est que je suis déjà très engagée et politique dans ce que je fais. J’ai connu le secteur politique de l’intérieur, et aujourd’hui cela ne m’appelle pas ; je suis très attachée à ma liberté de parole et d’action. La seconde, c’est que j’ai absolument besoin de rentrer dans un système et d’en sortir quand j’ai décidé de le faire. Or, l’élu s’engage pour un mandat qu’il doit honorer et respecter. Ce n’est pas en tant qu’élu que j’aurai la plus grande valeur ajoutée. 

– Les FFI : un mot sur l’état de l’industrie en France.

– VS : La prise de conscience est là et on va dans la bonne direction. Mais il y a des conditions à notre réussite. Première condition : réduire l’écart, aujourd’hui important, entre la bonne volonté générale et le terrain ; notre système administratif est contraignant, complexe, et la bonne conduite d’un projet dépend de l’interlocuteur sur lequel on tombe. Deuxième condition : transformer notre industrie en activité réellement collaborative, avec des filières sectorielles et des écosystèmes territoriaux pertinents et actifs. J’échangeais hier avec une PME dans le domaine de l’eau, qui déplorait le manque de cohésion des PME dans son secteur ; en effet, tant qu’on ne saura pas chasser en meute, nous serons constamment en train de rattraper nos voisins. De même, les écosystèmes territoriaux doivent être animés au-delà de toute cohérence sectorielle – c’est l’objectif des réseaux d’entreprises locaux, initiés par les collectivités et que nous accompagnons. Enfin; troisième condition : une réelle  prospective industrielle au niveau de l’Etat et des régions, suffisamment clairvoyante pour identifier les métiers et les entreprises d’avenir. Pourrions-nous, par exemple, commencer à réfléchir dès maintenant à la transformation à venir de nos grands sites industriels, plutôt que de réagir dans l’urgence à des fermetures à scandale ?

« Je ne fais jamais partie d’un réseau en dilettante ».

– Les FFI : Comment avez-vous rejoint les Forces Françaises de l’Industrie ?

– VS : Je voulais me retrouver dans des valeurs constructives, positives, progressistes et humaines. Je souhaitais aussi m’impliquer dans une structure militante mais qui ne verse pas dans l’entre-soi. J’ai en particulier rejoint les FFI, et le Centre des Jeunes Dirigeants auprès duquel je suis responsable de l’influence à Paris. Avec les FFI, je rajoute aussi une case : celle de la cause industrielle qui me tient tant à coeur. Je me retrouve au sein des FFI dans la promotion d’un savoir-faire français que j’admire et dont on doit être fier.  

-Les FFI : par quel biais avez vous connu le mouvement ?

– VS : Par une relation commune, Emmanuelle Bonal qui est ambassadrice à Toulouse. J’ai vu un post d’Emmanuelle sur les FFI sur LinkedIn et je me suis demandée « C’est quoi, ce truc ? »… J’ai appelé Emmanuel Deleau, nous avons bien échangé. Puis Laurent Moisson. Même l’état d’esprit était partagé. Je suis devenue membre en 2021 pour tester – je ne fais jamais partie d’un réseau en dilettante. 

« Mieux contribuer à relier notre réseau d’industriels à l’écosystème territorial, c’est ma mission ! »

– Les FFI : la suite va très vite. Avec cette nomination à ce poste d’ambassadrice.

– VS : L’industrie, ce n’est pas juste un job. Gilles Attaf le dit particulièrement bien, c’est aussi porter un modèle social, méritocratique dans lequel toutes les catégories professionnelles peuvent se retrouver, cohabiter et évoluer. Les FFI fédèrent des entreprises utiles qui ont le souhait de s’articuler avec leur écosystème ; je veux contribuer à le faire connaitre au coeur de nos territoires. Je reprends les propos de ma camarade d’Ecole, Carine Guillaud, qui était l’invitée récemment du dîner parisien – voir son interview- :  « on ne m’a jamais parlé d’Industrie à l’ESSEC ! » Pour moi, le rôle des FFI ne se conçoit pas sans cette articulation autour d’un écosystème public et territorial. – on n’est jamais loin d’un engagement citoyen ou politique. Les parties prenantes doivent se comprendre – c’est pour soutenir ce lien que j’ai accepté ce poste d’ambassadrice.  Mieux contribuer à relier notre réseau d’industriels à l’écosystème territorial, c’est ma mission !

– Les FFI : il y a-t-il des projets prioritaires ? 

– VS :  Nous devons nous reposer sur des projets concrets afin de fédérer les parties prenantes locales. L’Accélérateur de PME, par exemple, piloté en Auvergne, par Yannick Cartailler et Pierre-Edouard Morin. – Lire l’interview– Nous devons aussi accélérer nos liens locaux avec BPI France, en intervenant lors des BIG Tour (déjà effectué à Lille en mai). Au-delà de cela, je pense que nous devons valoriser le lien industrie-territoire de nos membres partout où les FFI sont présents. C’est aussi l’objectif du Tour de France de l’ancrage territorial des entreprises que je poursuis aux quatre coins de France. 

« Les FFI, c’est la possibilité de véhiculer une image nouvelle, fraîche et dynamique de nos PME industrielles »

– Les FFI : Quels sont les points forts du club ? 

– VS : C’est une mouvement qui construit une industrie réellement collective, avec un partage sincère entre ses membres. L’époque du « vivons heureux vivons caché » est révolue. On s’émerveille du process de conception d’une chaussure, de textiles innovants… Les FFI, c’est la possibilité de véhiculer une image nouvelle, fraîche et dynamique de nos PME industrielles avec une communication et une influence professionnelle, apportée par Gilles, Laurent, Emmanuel et Nicolas. C’est aussi une réelle capacité d’action avec le projet d’accélérateur à suivre avec attention. Enfin, c’est la possibilité de faire une vraie prospective industrielle. On partage plus que des compétences, on porte une vision : nous nous interrogeons sur les métiers d’avenir, imaginons les machines emplois, les enjeux de demain… en accordant une vraie place au lien industrie-territoire. L’idéal d’une gouvernance partagée entre industriels et collectivités compte pour moi. 

– Les FFI : et si vous aviez un grief à formuler ? 

– VS : Un grief ? Pas vraiment… peut-être le côté encore très informels de la chose, à la bonne franquette. Parfois difficile à saisir pour moi qui suis très rigoureuse et légitimiste, mais c’est aussi très sympa ! 

3 mots pour les définir…

– Les F.F.I. : Pouvez-vous définir Gilles Attaf en trois mots ?

– VS : visionnaire, humble, à l’écoute. Allez, j’abuse d’un quatrième mot, mais tellement justifié  ! La douceur.

– Les FFI : même exercice pour Emmanuel Deleau 

– VS : Fraîcheur, dynamisme et de la rigueur.

– Les FFI : Quid de Laurent Moisson ? 

– VS : De l’audace, de l’humour, de la vision.

– Les FFI : enfin Franck Glaser en trois mots…

– VS : J’ai moins côtoyé Franck que Gilles, Emmanuel et Laurent ! Je dirais de l’action, du liant, de la cohésion.

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