Co-Fondatrice de Compagnum, une société qui accompagne les PME et les ETI dans leur croissance, Virginie Saks est également ambassadrice F.F.I « Collectivité- et Services de l’Etat- En août dernier, dans une tribune très remarquée, elle nous avait annoncé la sortie prochaine d’un guide sur l’implantation industrielle.  – Voir l’article-

Ce guide d’une vingtaine de pages est accessible à partir de ce jeudi 22 septembre. Il est réalisé en co-édition avec Compagnum et la SCET/ Caisse des Dépôts. Les F.F.I sont parties des partenaires. Virginie Saks qui porte ce projet nous le présente.

« Oui, les industriels peuvent accélérer le rythme d’ouverture des nouvelles usines en France.»

Le Ministre de l’industrie, Roland Lescure en signe l’édito. « L’Etat, les territoires, les acteurs économiques et sociaux doivent ensemble réinventer notre industrie pour répondre à l’urgence climatique, garantir un équilibre social, et offrir aux jeunes des perspectives d’avenir. »

Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance y publie une tribune très remarquée : « Industrie, on s’y met tous. » Il commence par cette phrase : « Le soutien à l’industrie s’accélère ».

Virginie Saks, nouvelle ambassadrice FFI

Les F.F.I : Pourquoi un guide sur l’implantation industrielle ? 

– Virginie Saks : « La France veut plus d’industrie ; plus, et surtout, plus vite. Les relocalisations sont une réalité qui se traduit par de nouvelles implantations industrielles : ouvertures de nouvelles usines, agrandissements, partenariats productifs… Car si l’on veut produire plus en France, il nous faut des espaces de production. Sauf que les contraintes sont nombreuses : délais administratifs plus longs qu’ailleurs, rareté du foncier qui s’accentue… Et mon constat est sans appel : si les acteurs des territoires sont informés et mobilisés pour alléger ces contraintes, les dirigeants industriels sont livrés à eux-mêmes. Or, ils sont bien les seuls aux manettes de leur projet industriel ! Donc oui : si l’on veut implanter plus d’activités industrielles, et le faire vite, nos dirigeants ont une part à jouer. On ne peut pas s’appuyer sur les seuls acteurs publics pour réduire les délais d’implantation.  Mais pour remettre les industriels au centre du jeu, il faut les former davantage sur ce qu’est un projet et un parcours d’implantation industrielle. Sans cela, ils resteront à jamais sur le banc de touche. C’est en connaissant les étapes de l’implantation, ses acteurs, ses pratiques, que l’on s’améliore. C’est l’objectif de ce guide. Destiné en particulier aux dirigeants de start-up, PME et ETI (et plus largement à l’ensemble des acteurs impliqués dans l’implantation), ce guide explique toutes les étapes du parcours pour ouvrir une nouvelle activité industrielle.

« Un concentré de concret et d’opérationnel »

Les F.F.I : par qui ce guide a-t-il été rédigé ? 

  • V.S : Il est co-signé par Compagnum et la SCET, filiale de la Caisse des dépôts, experte en matière d’accompagnement des collectivités et sociétés d’économie mixte qui gèrent l’aménagement et le foncier productif. Cette écriture à quatre mains est essentielle : un projet d’implantation doit s’articuler étroitement avec la stratégie de l’entreprise et s’appuyer sur de solides connaissances territoriales. En d’autres termes : impossible d’ouvrir une nouvelle usine si vous ne savez pas lire un PLU (plan local d’urbanisme) ! La SCET maîtrise les enjeux publics de territoires et d’immobilier. De mon côté, je connais les PME et les ETI industrielles sous leur angle stratégique et opérationnel, en particulier leurs liens avec les territoires (cf mon dernier livre : Elus et entreprises : je t’aime, moi non plus ? Dans lequel je décris la démarche d’ancrage territorial des PME et ETI). La co-écriture nous permet d’avoir les deux casquettes publique et privée. 

– F.F.I : Comment peut-on trouver ce guide ? 

  • V.S : Le guide est disponible gratuitement, sur les sites de la SCET, de Compagnum et sur une page dédiée : www.reussirsonimplantation.com. Vous pouvez aussi le trouver par le biais des sites et événements de partenaires ; entre autres : BPI France, Business France, La Banque des Territoires, le Meti, le Medef, les CCI, etc. Mon objectif est que le guide soit disponible le plus largement possible.  Il est bien sûr, aussi sur le site des FFI qui en sont partenaires. Un concentré de concret et d’opérationnel : il fait 20 pages… avec les images !

« Il ne suffit pas de connaitre le parcours d’implantation ; il faut aussi connaître les acteurs pertinents à chaque étape et savoir se parler. »

  • Les F.F.I : Qu’est ce vous a le plus marqué dans l’écriture de ce guide ? 
  • V.S : Au départ, j’avais pris le sujet de l’implantation sous l’angle purement immobilier.  Mais je me suis vite rendue compte que ce n’était qu’une étape parmi de nombreuses autres ; l’implantation industrielle est un parcours bien plus long et plus complexe, depuis la stratégie d’implantation jusqu’à l’atterrissage effectif sur le territoire.  Le développement économique local, qu’il bénéficie à l’entreprise ou au territoire, est trop souvent négligé. Il y a en tout 8 étapes dans le parcours de l’implantation. Le dirigeant qui les connait anticipe davantage les difficultés et les activités à mener, et gagne ainsi en moyenne six mois sur un projet d’implantation qui dure environ deux à quatre ans. Six mois, ce n’est pas rien !  Pour une PME de 10 millions d’euros de CA, on estime que 8 mois de retard peut représenter 700 000 euros de manque à gagner. Et il ne suffit pas de connaitre le parcours d’implantation ; il faut aussi connaître les acteurs pertinents à chaque étape et savoir se parler. Les dirigeants et les acteurs publics doivent travailler main dans la main ; et pour cela, il faut se comprendre et parler la même langue. Certaines entreprises commencent à s’adjoindre l’expertise de consultants territoriaux, voire pour les plus importantes d’internaliser cette expertise. C’est le sens de l’histoire.
  • VS : Il y a environ 200 implantations industrielles nouvelles chaque année en France. 800 projets de (re)localisation ont été retenus dans le cadre du Plan Relance, dont près de 500 dans des secteurs dits critiques. Ces projets vont se traduire par des implantations industrielles entre 2022 et 2025. Tous les secteurs et tous les territoires sont concernés, de la start-up en passant par les PME /ETI et les grands groupes.
Les F.F.I  : Les contraintes environnementales sont de plus en plus importantes. Quelles sont les nouveautés à ce niveau ? 

– V.S : La première contrainte qui s’alourdit, est la rareté du foncier « nu ». C’est la conséquence d’une nouvelle réglementation, déjà présentée dans la FFI Académie, le « Zéro Artificialisation Nette » des sols. Concrètement, cela veut dire que l’on peut moins facilement artificialiser des sols pour créer des logements, des bureaux, des usines ; et si on le fait, on doit « ensauvager » d’autres terrains. Cela nous invite tous, collectivement, à changer de paradigme. Pour les territoires, il s’agit d’arbitrer entre des activités productives ou du logement ; densifier les zones d’activité ; accompagner la réhabilitation de friches. Pour les entreprises, il faut repenser l’ensemble du process industriel pour, parfois, verticaliser les usines ou les rendre plus compactes ; il faut se diriger naturellement vers du foncier « bâti » et de la réhabilitation d’usines. La deuxième contrainte environnementale, et non des moindres, est liée à l’eau. Les sites qui se construisent aujourd’hui doivent impérativement prévoir les pratiques les plus avant-gardistes en la matière, bien au-delà de ce qui est actuellement requis dans les obligations administratives. L’été 2022 nous l’a durement appris : il va falloir se préparer à pouvoir réduire la consommation en eau de 50% d’une semaine sur l’autre ! Les collectivités sensibilisent les dirigeants avec des pratiques collectives, mais cela fait aussi partie de la stratégie individuelle de l’entreprise. Enfin, la troisième contrainte concerne l’accès à des sources d’énergies soutenables. Les plans de sobriété énergétique actuels ne suffiront pas. Les industriels doivent prendre en compte les synergies possibles avec les autres entreprises avant de s’implanter sur un territoire. Un dirigeant me confiait dernièrement que s’il avait eu connaissance des synergies possibles sur les échanges de chaleurs sur le territoire, il l’aurait prévu plus tôt dans sa nouvelle usine. Nous devons désormais «  planifier » (un mot que nous n’entendions plus depuis quelques années !) nos implantations industrielles pour intégrer ces nouvelles réalités dans un tissu économique local cohérent. Ce n’est pas encore ce que l’on fait aujourd’hui.

« Notre aversion au risque nous amène à allonger les délais d’obtention d’autorisation environnementale »

Les F.F.I : Les industriels en ont-ils conscience ? 

– VS : De manière inégale. Il faut aider à la fois ceux qui ont conscience de l’urgence, et ceux qui n’y sont pas encore. Si la petite musique commence à se faire entendre sur l’accès aux énergies durables, nous n’en sommes pas au même point sur le reste. 

Les F.F.I : Ce que vous décrivez aura-t-il un impact sur les coûts de construction ? 

  • VS : Les dynamiques économiques de l’implantation changent drastiquement, en particulier en raison des fluctuations du prix du foncier et des matières premières de construction. Réhabiliter une friche, c’est coûteux – c’est la raison pour laquelle les pouvoirs publics soutiennent financièrement certains projets. Mais quant aux nouvelles pratiques en matière de process industriel, la récupération des eaux ou l’efficacité énergétique, ces dispositifs ne sont pas nécessairement couteux. Surtout, ils s’avèrent rentables sur le long terme.  
  • Les F.F. I : Alors que de plus de plus de groupes pensent se réimplanter en France, les contraintes liées à l’environnement peuvent-elles être un frein à des projets ?
  • V.S :  La France et ses voisins européens sont tous logés à la même enseigne ; mais il est vrai que notre aversion au risque nous amène à allonger les délais d’obtention d’autorisation environnementale (par exemple : l’étude Quatre saisons, évoquée par Isabelle Patrier). Pour ne pas pâtir des contraintes environnementales en France plus qu’ailleurs, les entreprises  doivent travailler main dans la main avec les pouvoirs publics en mettant dans la boucle le plus  tôt possible des services de l’Etat (DDT pour l’eau, DREAL pour l’environnement) et les collectivités territoriales. Même quand elles n’ont normalement pas voix au chapitre. C’est ensemble que l’on réussira. On s’améliore, mais on a encore du chemin à faire.

« 1 emploi industriel crée 4,5 emplois indirects ou induits. (…)Mais pour créer des emplois industriels, il faut ouvrir plus de sites qu’on en ferme ! « 

  • Les F.F.I : La réindustrialisation de notre territoire va-t-elle déboucher sur de nouveaux et nombreux emplois ? 
  • – V.S : De manière générale, on dit qu’1 emploi industriel crée 4,5 emplois indirects ou induits (INSEE, 2017). Mais pour créer des emplois industriels, il faut ouvrir plus de sites qu’on en ferme ! Cela semble être le cas aujourd’hui. Ce qui est sûr, c’est que de nouvelles usines favorisent l’essor de nouveaux métiers d’avenir au coeur de territoires ruraux et péri-urbains. Favoriser des implantation cohérentes avec le tissu économique local, c’est créer des usines – et donc des emplois – plus pérennes. 

Les F.F.I : On parle de la France, mais que se passe-t-il chez nos voisins dans ce domaine ? 

– V.S : Le rapport parlementaire (Guillot, 2022) compare les délais d’implantation entre la France et les autres voisins européens. En France, le délai réel d’implantation est plus long que le délai théorique ;  en Allemagne, c’est l’inverse.

Cet écart entre délai théorique et réel reflète notre faible culture du risque, qui nous amène à de multiples vérifications ; ou encore, des délais intercalaires lorsqu’un dossier passe de main en main entre plusieurs services de l’administration. Nous avons de la marge de progression, et nous devons aller vite car la concurrence aux relocalisations fait rage en Europe.

Les F.F.I : Les nouveaux sites industriels vont-ils vraiment être différents de ceux qui existaient auparavant ? 

– V.S : Oui. Les bâtiments sont novateurs, mais aussi et surtout la manière dont ils sont organisés et interconnectés avec l’écosystème local. Ce sont des « anti-Zola », comme le dit bien Nicolas Dufourcq. Des usines lumineuses, technologiques, durables (panneaux solaires, gestion des eaux pluviales…), qui favorisent un management transparent et collectif. Les bureaux du comité de direction, par exemple, peuvent se retrouver au coeur des machines de production ! 

– Les F.F.I : Est-on ou sera-t-on plus heureux sur ces sites industriels ? 

– V.S : Oui. Lorsqu’on construit une nouvelle usine, on se donne la possibilité de mieux penser le bien-être au travail. Un industriel récemment implanté dans le Nord m’a confié en avoir profité pour inventer de nouvelles machines, automatisant ainsi les tâches trop physiques interdites aux femmes. Désormais, il a plus de facilité de recrutement.  De manière plus générale, l’intégration de l’usine à son écosystème contribue à un récit industriel local ; contribuer au bien-être collectif, cela donne du sens. 

« Black Star, l’exemple parfait d’implantation récente réussie »

  • Les F. F.I : Quel est l’exemple pour vous d’une belle récente implantation industrielle ?
  • V.S : sans hésiter, Black Star ! Cette entreprise fabrique des pneus reconditionnés. Initialement implanté dans la région de Lyon (l’atelier historique y est toujours), le dirigeant a repris l’actif industriel de l’ancien site de Bridgestone. Il a rappelé une partie des anciens salariés de Bridgestone qui s’étaient reconvertis dans d’autres métiers ; c’est ce qui s’appelle sauver un savoir-faire in extremis ! Enfin, il a créé un site éminemment circulaire : tout est pensé au long de la chaîne de valeur pour réemployer la manière et les flux d’énergie. J’ai été bluffée ! Cette usine est pour moi un fer de lance de ce que l’on doit construire pour demain.
  • Les F.F. : Ce guide est sorti cette semaine.  Quelles retombées concrètes en attendez-vous  ? 
  • V.S. : Mon métier, c’est d’accompagner les PME et les ETI dans leur lien avec le territoire – et inversement, les territoires dans le lien avec l’entreprise. Mon métier, c’est l’action ! Et je suis convaincue qu’à court terme, un accompagnement est nécessaire pour aller plus vite. Surtout dans la mesure où il n’est pas nécessairement plus couteux pour les acteurs industriels ou locaux, car très souvent pris en charge par des subventions. Ce guide a pour but de susciter des réflexions et à vocation à être diffusé dans des médias industriels qui s’intéressent à la réindustrialisation. Que doit-on faire ? Comment le faire concrètement ? Quelles clés pour mieux travailler ensemble au service de l’efficacité de notre industrie ?  Depuis plus de cinq ans, le gouvernement a agi sur la simplification de nos process d’implantation. Il faut continuer et nous avons tous notre rôle à jouer. France 2030, par l’intermédiaire de Bpifrance, se fixe un objectif de 100 nouvelles usines par an. Au-delà du chiffre, cela fixe l’ambition : elle est forte ! Notre territoire, c’est notre actif le plus précieux. Nous avons été trop négligents avec eux. C’est un moment inédit pour notre industrie, donc passionnant. »

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