Virginie Saks est la nouvelle ambassadrice FFI, « Collectivités et Services de l’Etat – et la co-fondatrice de Compagnum qui accompagne les PME et ETI dans leur croissance avec et par leur écosystème. Avec une expertise unique : la stratégie territoriale des entreprises, ou comment faire du territoire un levier de croissance – Lire son interview récemment publiée sur le site des F.F.I

Elle s’intéresse tout particulièrement à l’implantation de nos industries et à leur écosystème territorial. « Ouvrir une nouvelle usine en France : le parcours du combattant ! « 

 Elle signe cette tribune très remarquée,  quelques semaines avant la sortie d’un guide qui sera publié en partenariat avec Les FFI, Compagnum et la Caisse des Dépôts. 

Les FFI : ce texte publié aujourd’hui sur notre site introduit une réflexion poussée autour de ce sujet des enjeux de l’implantation industrielle au sein de nos territoires.

– Virginie Saks ; Oui, c’est pourquoi je signe cette tribune en amont. Mon entreprise Compagnum accompagne des PME et des ETI dans leur développement en lien avec l’écosystème territorial. Dans ce cadre, nous diffusons en octobre un guide à destination des dirigeants de ces PME et de ces ETI qui souhaitent ouvrir un nouveau site en France. Il est écrit en partenariat avec la Caisse des Dépôts el les Forces Françaises de l’Industrie. Cette première tribune s’adresse à ce même public et elle vise à commencer à sensibiliser sur le sujet.

Les FFI : qu’est-ce qui vous a poussée à écrire un guide ? 

– VS :  je me suis lancée dans l’écriture de ce guide et de cette tribune pour deux raisons. La première : on parle beaucoup aujourd’hui de relocalisation, relocaliser nos savoir faire, relocaliser des produits comme un levier de réindustrialisation. Pour cela,  nous allons avoir besoin de lieux. Soit avoir besoin d’agrandir les lieux de production existants, soit de déplacer ces projets vers des friches. Mais dans les deux cas, il y a un projet d’implantation sur le territoire à mener. Les acteurs des territoires, collectivités ou publics sont souvent formés. Les  dirigeants industriels, eux ne le sont pas du tout. Et, c’est donc la deuxième raison qui m’a conduite à mener et à approfondir cette réflexion, sur ces projets d’implantation : Il leur est souvent difficile de maîtriser les projets – Coûts et délais- Un projet d’implantation est plus large qu’un projet immobilier. Plusieurs années de dérapages, de retard et ce sont plusieurs centaines de milliers d’euros à la clé. L’Etat essaie de raccourcir les délais d’implantation industrielle en France. Si les industriels n’anticipent pas eux mêmes vis à à vis des acteurs publics, on ne réduira jamais les délais réels. On a besoin que tout le monde s’y mette. Des acteurs clés, à ce stade dans ce process sont mal informés, et j’ai pensé qu’il était utile de leur proposer ce guide.

Les FFI : quelle en est la méthodologie ? 

– VS : elle a été de principalement de découper, d’expliquer tout le processus d’implantation dans un parcours avec des étapes. Elles sont au nombre de 8 que je développe dans ce guide et dans une nouvelle tribune à suivre. Positionner les acteurs publics principalement mais aussi privés qui interviennent dans chaque étape, expliquer leurs rôles, leurs enjeux. Ce guide se veut à la fois ultra explicatif et concret. En attendant, cette tribune est publiée sur le site des FFI et elle est relayée sur le site de Compagnum avec un résumé complémentaire.

10 : c’est le nombre minimum d’interlocuteurs qu’un dirigeant de petite ou moyenne entreprise rencontre au cours d’un projet d’implantation industrielle.

A grand renfort d’acronymes et d’incompréhensions : la DREAL parle à la DDT qui elle-même parle à l’EPCI (communautés de communes) pour revoir le PLUI en vue de l’installation d’un site IPCE… 

Virginie Saks, nouvelle ambassadrice

Pourtant c’est un fait : produire en France demande des mètres carrés. Ouvrir un nouveau site devient une aventure naturelle ; et cela ne va pas s’arranger : demain, la contrainte sur le foncier industriel augmente, les ressources en eau se font plus rares et l’accès aux matières premières est un enjeu de premier ordre. 

Dans tout cela, le dirigeant navigue à vue. Son projet d’implantation durera-t-il 12 mois ou 5 ans ? En vrac, voici quelques exemples d’imprévus : vous avez identifié un site, mais le plan local d’urbanisme ne prévoit pas d’activité industrielle à cet endroit. Il faut le refaire : “Comptez au minimum 30 mois avec un processus digne des 12 travaux d’Astérix !”. Ou encore : les autorités environnementales vous demandent de réaliser une étude d’impact supplémentaire, conjointement avec la collectivité. Comptez 12 mois. Ou bien enfin : votre architecte vous demande de signer un document et vous n’avez pas réagi suffisamment tôt, pris dans votre quotidien. Vous avez manqué la fenêtre de tir pour commencer vos travaux ; vous êtes reparti pour 3 mois. 

Et ne parlons pas des coût ! Le prix des matières premières de construction a significativement augmenté : “Initialement d’un montant d’1 million d’euros, mon projet est passé à 1,2 millions d’euros. Il m’a fallu trouver des fonds supplémentaires ; outre une nouvelle charge de travail, cela a encore allongé les délais.” 

Pourtant, tous les acteurs publics, territoriaux et privés ont compris que nous avions un désavantage compétitif sur la durée de notre implantation. “Il y a un écart énorme entre la bonne volonté, réelle, et ce qu’il se passe sur le terrain. Lorsque le délai moyen d’instruction est de 5 mois, il s’allonge à 12 mois parce que notre dossier reste 3-4 mois en bas de la pile. Les services de l’Etat sont trop peu nombreux, trop peu formés”. Sans compter la bonne ou mauvaise volonté de la personne en face du dirigeant. 

Alors que faire ?

Tout d’abord, il faut reconnaître les efforts de nos acteurs publics. Au cours des dernières années sont nés les sites clés en main* : ces sites bénéficient d’une simplification administrative visant à réduire le délai d’implantation. De même, des collectifs de “chefferie de projet” publique se sont mis en place dans certains départements entre les services de l’Etat, sous-préfectures, agences de développement économique, collectivités pour suivre les projets d’implantation. Des outils se créent pour recenser le foncier disponible, qu’il soit public (appartenant à la collectivité, aux sociétés d’économies mixtes) ou privé (appartenant à des foncières ou des grands groupes). Et il faut aller plus loin. A titre d’exemple : 

Et il faut aller bien plus loin. A titre d’exemple : 

  • Sur le plan administratif, réduire la durée de révision d’un plan local d’urbanisme, adapter la fiscalité locale encore trop élevée dans le cas des revitalisations de friche**, améliorer la transmission d’information entre collectivités et services de l’Etat. 
  • Sur le plan des compétences, mieux former nos élus et institutionnels au parcours d’implantation du point de vue du dirigeant. Il est de leur ressort de donner aux entrepreneurs les clés de réussite de leur projet : comment définir une stratégie d’implantation, prévoir des processus d’industrie circulaire, anticiper le recrutement… et expliquer les acteurs et leur rôle à chaque étape.*** 
  • Au niveau territorial, garantir un écosystème performant autour de chaque entreprise nouvellement implantée. Une PME industrielle a besoin d’un réseau de fournisseurs, de partenaires industriels et de services à l’industrie, de la société civile pour garantir l’acceptabilité de son nouveau site… Cela peut se faire en créant des “boards” de territoire, réunissant des acteurs politiques, institutionnels, privés et citoyens.  

Mais il faut surtout mieux expliquer le parcours d’implantation aux industriels eux-mêmes. C’est l’objectif d’un guide à paraitre en octobre à destination des dirigeants sur les clés de réussite de l’ouverture d’un nouveau site industriel. En tout, il s’agit de huit étapes qui vont de la stratégie d’implantation à la croissance économique de l’entreprise sur le territoire ; les connaitre est la condition nécessaire à une collaboration efficace avec les parties prenantes locales.

Faciliter l’ouverture de nos nouveaux sites industriels est une nécessité, mais cela ne sera possible que si tout le monde s’y met – acteurs publics comme privés. Favoriser une compréhension mutuelle des enjeux de chacun, reconnaitre leurs efforts respectifs tout en leur permettant de se retrouver dans un cadre commun : c’est agir concrètement au service de l’industrie. Une expression chère à Gilles Attaf : un village, une usine !

*https://www.economie.gouv.fr/sites-industriels-cles-en-main-comment-ca-fonctionne 

** Le calcul de la fiscalité se fait sur la base de l’ancienne usine et non pas de la nouvelle qui est souvent de taille beaucoup plus modeste, voir à 3 fois moins de salariés

*** Un Livre blanc sortira en octobre 2022 sur le parcours de l’implantation industrielle (Compagnum – SCET / Caisse des Dépôts , en partenariat avec BPI France, Business France, Direction Générale des Entreprises, agences de développement économique, sous-préfectures, Banque des Territoires, Territoire d’industrie, France Industrie, Usine Nouvelle, le METI)

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Prochain article : ouvrir une nouvelle usine : pas si compliqué ! 

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