Mars 2022, heureuse nouvelle : Sébastien Martin, président du Grand Chalon, accueille à bras ouverts la nouvelle implantation de Vicky Foods. C’est la promesse de 250 emplois et d’un dynamisme local. “Nous élus locaux, ne savons que trop bien ce que la réindustrialisation peut changer pour nos territoires”. Ainsi, nous suivons chaque année, avec une certaine fébrilité, le nombre de sites industriels ouverts au cœur de nos territoires.

Car les Français ne sont pas dupes : les régions les plus affectées par la désindustrialisation apparaissent comme des terres propices à la morosité. Dans une étude réalisée en 2022 par l’IFOP pour l’UIMM, 83% des Français pensent que « certains territoires sont en déclin ». 3/4 d’entre eux en identifient la cause : la désindustrialisation.

L’essor de nouvelles compétences territoriales

“L’actualité sur l’industrie verte nous le montre : entrepreneurs et territoires sont plus que jamais dans le même camp, affirme Virginie SAKS, Associée de Compagnum et ambassadrice des Forces Françaises de l’Industrie. Agir en faveur de la réindustrialisation implique de rapprocher activement industriels et représentants des territoires”. Qu’il s’agisse d’accès au foncier, de facture énergétique, de consommation d’eau… A l’heure de la sobriété, le territoire est devenu une nouvelle compétence des métiers de l’industrie.

Inversement, certains territoires ne sont pas en reste. “Le Grand Chalon a fait le pari audacieux, pour certains insensés, de reconquérir l’industrie locale. Ce pari était le bon. Notre responsabilité, aujourd’hui, c’est de convaincre largement autour de nous”, clame Sébastien Martin.

Ainsi, les territoires se mobilisent pour implanter de nouvelles industries : Lhyfe à Nantes (start-up industrielle dans la production d’hydrogène vert). Blackstar à Béthune (reprise de la friche industrielle de Bridgestone pour le reconditionnement des pneus automobiles). Vicky Foods sur la zone industrielle SaôneOr du Grand Chalon (groupe espagnol installant sa première usine de production en France).

La valeur ajoutée créée sur le territoire est réelle : en nombre d’emplois (1200 emplois créés depuis 10 ans sur la zone industrielle SaôneOr avec des métiers variés de l’opérateur, à la R&D et à l’emploi cadre), une contribution au PIB local, mais aussi un mieux vivre et des capacités d’innovation qui dépassent les frontières de l’Ile-de-France. L’industrie est elle aussi une nouvelle compétence des territoires.

Un apport mutuel industrie / territoire cependant trop peu mesuré

“Si les territoires mobilisent tous leurs atouts pour soutenir l’industrie, leurs efforts sont insuffisamment valorisés car trop peu mesurés”, estime Virginie Saks. Pourtant, les exemples sont légion :

  • A Béthune, la communauté d’agglomération donne l’accès à de nouvelles sources d’énergie : gaz, réseau de chaleur… Valeur ajoutée pour les industriels : une garantie d’approvisionnement et une maîtrise de la facture énergétique.
  • A Château-Thierry, la communauté d’agglomération héberge une école de production sur les métiers en tension de l’usinage. Valeur ajoutée pour les industriels : coûts évités en recrutement et en rupture de chaîne de production.
  • Au Grand Chalon, l’intercommunalité a complètement réaménagé SaôneOr, l’ex-site d’implantation Kodak, pour le transformer en site industriel “clés en mains” . Valeur ajoutée pour les industriels : une garantie d’implantation simplifiée, rapide et des possibilités de développement facilitées par l’offre de services proposée sur place. 
  • A Valence, le programme Harmonie 2030 prévoit une gestion active du foncier et des zones d’activités économiques.

Ainsi, l’énergie déployée par les territoires en faveur de l’industrie serait-elle considérée comme acquise ?

Ce qui est sûr, c’est que le terme de “performance” est trop peu utilisé pour qualifier l’action des territoires. Or, croire que les entreprises seules créent de la valeur industrielle alimente l’opposition entre entrepreneurs, acteurs publics et société civile.

De son côté, l’industrie ne gagnera la partie que si elle démontre son impact sur la cohésion territoriale. Une usine dite “verte” implique le respect des ressources locales (foncier, eau, énergie, matières premières, humaines). “Tout industriel souhaitant s’implanter sur notre territoire doit avant tout prouver son utilisation raisonnée de nos ressources.

Sans quoi son projet ne sera accepté ni par la collectivité locale, ni par la société civile ”, ajoute une agence de développement économique locale. Mesurer et formuler son impact territorial est vital pour mener à bien son projet industriel. Là aussi, les mesures sont insuffisantes. Fort de ce constat, le laboratoire de recherche CLERMA, l’ESC Clermont Business School et la Burgundy School of Business initient un programme de recherche visant à objectiver la performance des territoires en faveur de l’industrie.

Parler la même langue pour jouer collectif

“La réindustrialisation de la France ne se fera pas (vite et bien) sans les territoires”, affirme Sébastien Martin. “Arrêtons d’opposer les uns, acteurs publics, aux autres acteurs privés. Nous vivons dans le mythe de l’homme providentiel alors que nous sommes imbattables dès que nous jouons en équipe. Et pour créer un collectif, il faut avant tout parler la même langue”, ajoute Virginie Saks.

Quelle langue ? Celle de la performance, mentionnée plus haut. Aux entreprises de mesurer l’impact positif de leur ancrage territorial, et aux territoires de valoriser au mieux leurs atouts. Celle des usines et non du foncier, terme incompris des entrepreneurs. Celle de la circularité, trop peu mentionnée dans le projet de loi industrie verte.

Une industrie qui produit et consomme localement offre une vision fédératrice et comprise par tous : industriels, élus, étudiants, citoyens. Celle, enfin, de l’innovation. Pas l’innovation de rupture, non, mais l’innovation du quotidien. Une innovation de PME et d’ETI qui ne donne lieu ni à un brevet ni à des recherches fondamentales. Une innovation de la transformation pour viser une plus grande efficacité, ouvrir de nouveaux marchés, créer de nouveaux usages.

Et si les contraintes foncières, énergétiques, hydriques nous donnaient les meilleurs arguments pour jouer collectif ? C’est ce que suggère l’événement Territoire et Industrie organisé le 26 avril à Valence, autour de l’efficacité énergétique.

Se former à l’industrie territoriale

Les nouveaux métiers de l’industrie ne sauraient se limiter aux murs des Écoles d’ingénieurs.

L’industrie doit pousser la porte du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) (Institut de formation de la fonction publique territoriale), INSP (ex-ENA), Sciences Po, instituts de formation d’élus… Relocaliser ne se fera pas sans une compréhension fine des différents modèles industriels de la part des acteurs publics. Gigafactory, reconversion des sites de grande taille, première usine… quelle stratégie d’aménagement derrière chaque modèle industriel ? Quels enjeux pour les entreprises et comment faire chemin ensemble ?

Et les entrepreneurs doivent se former à la stratégie de territoire. L’ancrage territorial n’est pas une évidence. Tout industriel doit connaître sa chaîne de valeur territoriale et « pitcher » son projet à ses parties prenantes locales. Sans quoi son projet industriel, l’ouverture de sa nouvelle usine ou son acceptabilité ne sont pas acquises. Il doit maîtriser les enjeux de son territoire, en matière foncière, énergétique, d’aménagement, de bien vivre. Et comprendre qui fait quoi : préfecture, mairie, intercommunalité, région… Le millefeuille territorial tant décrié est pourtant accessible pour qui accepte d’en explorer les règles. Cette connaissance, les entrepreneurs l’apprennent souvent sur le tard en endossant des responsabilités électives. Le programme de recherche de l’ESC Clermont et la BSB doit amener la création de cours Entreprise et Territoire.

“Les intercommunalités sont l’échelon de proximité des industriels. C’est le message que nous faisons passer par le projet de loi sur l’industrie verte”, rappelle Sébastien Martin.

Renforcer la commande publique en faveur de l’industrie

Les flux commerciaux entre industriels et collectivités n’ont pas seulement un impact financier. Acheter une clim basse carbone auprès d’une start-up industrielle, un téléphone reconditionné, du textile made in France… Cela permet aux entrepreneurs et aux territoires de se retrouver autour d’innovations qui les mobilisent. Décarbonation, réemploi, matériaux biosourcés… la commande publique responsable est un outil de rapprochement entre acteurs publics et acteurs privés.

Pour cela, les industriels doivent accroître leur visibilité auprès des collectivités territoriales et comprendre le client public au-delà de l’aspect rebutant des appels d’offres. C’est pourquoi les Forces Françaises de l’Industrie lancent leur accélérateur dédié à la commande publique. Comprendre les territoires pour mieux les transformer.

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