Comme vous le savez, l’une des missions que nous nous sommes données, aux Forces Françaises de l’Industrie, c’est de faire entendre la voix des entrepreneurs, des collectivités locales, bref de ceux qui font vraiment l’industrie sur le terrain.

Ça n’est pas parce que les analyses des économistes, politiques et autres experts ne nous intéressent pas. Mais, le problème, c’est que comme je le disais dans l’un de mes ouvrages « De Jésus-Christ à Kim Kardashian, les techniques pour influencer les masses » (Dunod, 2021), et comme l’a dit encore mieux et plus récemment Samuel Fitoussi dans son excellent « Pourquoi les intellectuels se trompent » (Éditions de l’Observatoire, 2025) :

• Si la parole des intellectuels est souvent plus jolie à entendre que celle de patrons qui n’ont pas toujours l’habitude de s’exprimer en public

• Si, étant formulée par des cerveaux aptes à simplifier le monde dans des théories faciles à comprendre, elle semble logique, globale et agrémentée de petites phrases percutantes qui satisfont les petits idéologues en puissance qui sommeillent en chacun de nous…

… Cette parole (celle des intellectuels) n’est pas vraiment fiable.

Fitoussi le dit d’ailleurs sans détour : « Dans une étude classique, débutée dans les années 1980, un chercheur a interrogé plusieurs centaines d’experts en politique, en économie ou en sciences sociales pour recueillir leurs prévisions quant aux grands événements des décennies suivantes. Bilan, vingt ans plus tard : leurs conjectures s’étaient avérées à peine plus précises que celles de chimpanzés qui auraient lancé des fléchettes au hasard, voire moins précises que les prévisions du citoyen lambda ou de modèles statistiques simples. (Plus l’expert était célèbre, plus… il se trompait). »

Alors :

• … Parce qu’il est long, difficile, impossible même souvent, à un théoricien de se dédire et de convenir que les idées qu’il a contribué à mettre en place sont celles qui encombrent le plus notre système ;

• … Las d’attendre un vrai changement de discours économique émanant de ceux qui ont accès libre à nos médias préférés pour parler d’économie…

• … Nous avons décidé de donner la parole à d’autres personnages, espérant avoir d’eux un autre discours.

Entrepreneurs, industriels, élus locaux et certains de leurs agents, eux font face à la réalité du marché, du monde et de leurs contraintes tous les jours.

Ils sont donc obligés, pour vendre, croître ou tout simplement rester en vie, de revoir ce qui ne fonctionne pas dans les actions qu’ils lancent.

Parce qu’ils subissent directement les conséquences de leurs erreurs d’appréciation et d’anticipation ils doivent reconnaître quand ils se sont trompés et corriger le tir. Sinon, c’est la faillite assurée. C’est ça qui forge leur bon sens.

Alors, depuis le début de l’année 2025, nous nous sommes lancés dans la production de podcasts. Nous avons demandé à des chefs d’entreprises industrielles (généralement membres des clubs FFI) ou à des experts connaissant le terrain de nous accorder de loooongues interviews.

Longues, parce que pour comprendre la complexité des choses, il faut que ceux qui savent prennent le temps de l’expliquer. Car, oh surprise, la réalité est moins simple que ne le prétendent ceux qui voient le monde à travers des slogans et des thèses manichéennes exposées en 5 minutes.

Mais comme les algorithmes des médias sociaux et la fragile attention de nos chers lecteurs (vous) supportent mieux les vidéos courtes que celles qui durent une heure, j’ai produit quelques extraits à partir de ces interviews. J’en ai diffusé quelques-uns sur LinkedIn et le site internet www.forcesfrançaisesdelindustrie.fr.

J’avais déjà fait ça avec nombre d’auditions parlementaires, ce qui avait généré quelques engueulades politiques de bonne tenue. Mais je pensais que la parole de personnalités moins politisées, moins connues, moins soupçonnées d’appartenir à un clan ou un complot quelconque occasionnerait des avis plus modérés de la part du public adoré des Forces Françaises de l’Industrie.

C’était une erreur.

Et, dès la diffusion de ces extraits, s’il y eut, chaque fois, des centaines, voire des milliers de likes, ce fut un festival de commentaires indignés, lapidaires, définitifs et/ou insultants :

• Quand je diffusai les mots de Patrick BELLITY qui raconte comment certains grands groupes ont organisé la délocalisation de leur chaîne de fabrication… Ce fut un déferlement contre les grands groupes. Je fus également traité de néo-poujadiste anti-mondialisation par un acheteur de l’industrie automobile. Le monsieur m’expliquant qu’il fallait dépasser les petites erreurs d’antan (qui ont tout de même détruit un million d’emplois industriels) pour se concentrer sur l’avenir et tenter de sauver ce qu’il reste de l’industrie. Une industrie qui faisait face à une concurrence que les constructeurs ont eux-mêmes contribué à fabriquer en transférant leur technologie à leurs futurs concurrents, lors des délocalisations, justement.

• Quand le même Patrick BELLITY déclara que les 35 heures ont été l’une des causes racines de la déindustrialisation, on m’a traité de néolibéral (à la solde du MEDEF et des grands groupes que je venais de critiquer). Le simple fait de remettre en cause ce « progrès social » (les chômeurs qu’il a fabriqués seront heureux d’apprendre qu’il le sont pour des raisons éthiques, donc) fut, pour plusieurs commentateurs, la preuve que je voulais revenir à l’esclavage ! Je n’invente pas les mots, Messieurs-Dammes, ils ont été écrits comme cela pour de vrai. Donc, pour certains, travailler 4 heures de plus par semaine, c’est redevenir esclave. Vous avez vu Amistad au cinéma ? Ou La Couleur pourpre ? Eh ben pareil.

• Quand j’explique que les ETI italiennes cartonnent à l’export et que l’industrie transalpine a su s’épanouir dans la mondialisation, ce qui prouve que c’est possible pour un pays européen et qu’on ne peut donc pas accuser l’UE de tous nos maux, je suis traité de macroniste mondialisateur.

• Quand je montre, exemple de l’usine de freins de Safran à l’appui, que les coups d’éclat de militants écologistes qui s’en prennent à des industriels qui respectent pourtant nos normes et nos lois, nuisent à l’attractivité de nos territoires et de notre pays, on me traite de climato-sceptique d’extrême droite. Bon, remarquez, j’ai été voir la page de ceux qui ont écrit ça et ils semblent considérer qu’allumer un barbecue est un acte de fascisme patenté, donc je me suis senti moins seul.

• Quand j’ai fait l’éloge, lors d’une soirée récente ayant pour but de présenter le fonds d’investissement lancé par les FFI, de Scop-Ti, une structure mutualiste montée par des ouvriers, dont beaucoup sont communistes et syndiqués, et que j’ai dit qu’on avait eu plaisir à recevoir Fabien Roussel lors d’un de nos dîners, je me suis fait prendre à partie par deux personnes qui m’ont demandé si je n’avais pas honte de mettre en valeur ceux qui avaient mis l’économie française à bas.

Bref, il n’y a eu que les propos de Philippe RIVIERE patron d’ ACI GROUP et de Philippe Veran, fondateur de Biotech Dental Group, qui n’ont pas été caricaturés et contestés jusqu’ici.

Les paroles de sagesse qu’ils ont prononcées lors de leurs interviews ont sans doute joué en leur faveur. D’autant que l’un d’eux bosse dans la défense et qu’on parle toujours meilleur à quelqu’un qui a la puissance de feu d’un croiseur et des flingues de concours.

Tous ces contenus sont à écouter :

Sur deezer ici

Sur Youtube là

Sur Apple podcasts ici

Ou Spotify

Alors, je sais qu’en France on aime bien les romans d’heroic fantasy, où chaque personnage appartient avant tout à une race (elfes, nains, hommes, hobbits) aux caractéristiques bien définies (les uns sont tous très méchants, les autres tous très gentils, les troisièmes sont tous très beaux…).

Mais si on pouvait cesser de mettre des gens dans des cases et accepter :

• Que les modèles politiques que nous avons en tête sont parfois (presque tout le temps, en fait) contredits par la réalité.

• On pourrait alors essayer de sortir de notre déni.

• Et nous rendre compte des immenses et profondes réformes qu’il va nous falloir faire si on ne veut pas continuer à glisser vers le statut de pays en voie de sous-développement.

Mais alors pourquoi sommes-nous ainsi ? Pourquoi la comparaison avec les autres nations qui, pour beaucoup :

• Sont en croissance économique.

• Réduisent leurs dettes et leurs déficits.

• Ont une industrie prospère…

… Ne nous invite-t-elle pas à assumer les erreurs, on en a tous fait, à gauche comme à gauche (je plaisante. la droite n’est pas en reste) et à les réparer concrètement plutôt que de nous perdre en disputes d’arrière-garde pour essayer de dire qu’on avait moins tort que le voisin.

C’est justement ce sur quoi je suis en train d’écrire un nouveau livre. Il va s’appeler « Candide au pays de la réindustrialisation ». Il paraîtra en septembre et est en précommande ici.

Il ne s’intéressera pas aux causes de la désindustrialisation, ni aux moyens de se réindustrialiser. Pour ça, les livres d’Olivier Lluansi (en commande ici) et de Nicolas Dufourcq ont à peu près tout dit. Il étudiera pourquoi, alors que nous savons quoi faire pour relever notre industrie, nous ne le faisons pas. Et comment, quelques unes des valeurs morales dont nous sommes les plus fiers encombrent les efforts de nos industriels.

J’espère l’avoir terminé pour vous en parler :

Souhaitez-moi bon courage, je n’ai pas du tout fini de l’écrire !

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