Et si on se consolait en disant qu’on est plus vertueux qu’eux ?
Avez-vous lu l’interview de Bruno Bonnell dans Les Échos ? J’ai bien peur qu’elle soit l’aveu d’un renoncement.
Constatant que nous sommes loin derrière nos concurrents chinois et américains, le patron de France 2030 le dit tout net : « Il faut arrêter de parler de réindustrialisation », a-t-il confié aux Échos.
Mais où est donc passé le discours sans concession de celui qui déclarait : « Les experts comme Monsieur Lluansi raisonnent avec Excel. Je leur propose de rajouter des lignes et des colonnes à leurs tableurs ! »
Olivier Lluansi doutait alors de notre capacité à faire passer le produit de l’industrie de 10 % à 15 % de notre PIB. Il avait vu qu’on n’y parviendrait qu’une fois notre système, trop lourd et trop coûteux, réformé. Ce qui n’a pas été fait.
Dans son interview, Bruno Bonnell dresse le tableau d’un monde harmonieux où les puissants se seraient répartis les secteurs économiques, en toute bonne entente, comme à Yalta :
« Il n’y aura pas le même type d’usines dans chaque région du monde. La Chine va récupérer tous les produits qui se fabriquent à des milliards d’unités. »
« Les États-Unis, de leur côté, misent à fond sur la dérégulation pour être en mesure de développer l’innovation de pointe. »
« Au milieu de tout cela, il y a un territoire qui doit conserver des valeurs d’éthique : c’est l’Europe. »
Bref : Aux US l’innovation, à la Chine l’industrie de masse, l’Europe, elle, se concentrera sur… la vertu : Le recyclage, les industries décarbonées de demain.
Comme si Yalta avait été respecté par ses signataires. Comme si les Chinois n’avaient pas, sur ces segments aussi, une avance déjà considérable.
Alors, c’est vrai que quand on n’arrive pas à courir aussi vite que les autres, on est tenté de dire qu’on n’a jamais eu l’intention de participer à la course. Et ce pour des raisons morales.
Nietzsche prétendait que « l’éthique est l’invention des faibles pour empêcher les forts de les écraser ». Il n’est jamais loin dans ces moments-là.
Mais personnellement, je lui préfère les discours récents de Marc Ferracci ou du Premier ministre annonçant que la réindustrialisation devait être « notre obsession ». Ils sont plus proches de Rousseau et de son : « Il n’y a point de bonheur sans courage, ni de vertu sans combat. »
Lors de nos dernières discussions avec le ministre de l’Industrie, nous avions pu constater la convergence de nos constats :
– On a trop investi sur les innovations de rupture. Il faut rééquilibrer et renforcer notre socle industriel de base en renforçant nos PME et nos savoir-faire existants.
– Sinon, nos investissements dans les secteurs de demain seront comme ces gigafactories à peine ouvertes et déjà en crise : Des châteaux construits sur du sable.
Alors, franchement, cette déclaration défaitiste, c’est à n’y rien comprendre.