Le 23 septembre dernier, Dassault inaugurait sa magnifique usine en la Ville de Cergy.
100.000 m² dédiés à la production des parties avant des Rafale et des Falcon. De quoi faire face à la hausse prodigieuse de son carnet de commandes.
Mais un cocorico n’est jamais complet s’il lui manque cette touche de panache qui plaît tant à nos voisins européens. À nos amis allemands, surtout.
Dassault vient, en effet, de leur rappeler que s’il était prêt à travailler en équipe, il ne sacrifierait pas l’efficacité de la conduite du projet à des convenances politiques.
Vous connaissez l’adage : « Seul on va plus vite. Mais ensemble on va… moins vite » ? Ben c’est à peu près ça.
Depuis quelque temps, le programme européen de Système de combat aérien du futur (SCAF) traverse une crise. Prévu pour remplacer le Rafale, il est aujourd’hui au point mort. Des désaccords de gouvernance entre Dassault Aviation (France) et Airbus (France/Allemagne/Espagne) le minent.
Dassault, maître d’œuvre côté français, exige un rôle clair d’architecte du projet. Éric Trappier, PDG du groupe, rappelle que son entreprise « sait faire de A à Z » un avion de sixième génération. Ce qui n’est pas le cas de son partenaire. Il se dit ouvert à la coopération, mais refuse une gouvernance à trois qu’il juge inefficace : « Je souhaite que le meilleur athlète dirige. »
Les tensions se cristallisent autour du lancement de la prochaine phase d’études. Les Allemands seraient revenus, d’après Les Échos, sur des compromis antérieurs. Ce qui bloque l’avancée technique.
Politiquement, la pression monte. Le chancelier Friedrich Merz a reconnu à Madrid que « la situation actuelle n’est pas satisfaisante ». Il souhaite un accord avant fin 2025. Paris et Berlin affirment officiellement vouloir poursuivre le SCAF avec l’Espagne. Mais les divergences industrielles menacent ce qui devait être le plus grand projet de défense européen.
Les Allemands n’hésitent plus à dire qu’ils pourraient poursuivre le projet sans la France, en explorant des partenariats avec la Suède ou le Royaume-Uni.
« Même pas peur ! », leur auraient répondu la France et Dassault. Tous deux assument la possibilité d’aller « seuls » si aucun accord n’était trouvé.
On se souvient que c’étaient ces mêmes considérations politiques qui avaient rendu le projet EPR (centrale nucléaire) d’EDF si compliqué.
Berlin, très inquiète sur la sécurité, avait imposé aux Français, pourtant bien plus légitimes qu’eux, des contraintes qui avaient largement alourdi le projet initial. Ceci avant de quitter le projet, parce qu’ils avaient décidé de sortir du nucléaire. Bon, depuis, ils ont décidé d’y revenir.
Bref, nous ne sommes pas les seuls à avoir des politiques industrielles incohérentes. Dassault en est bien conscient. Et compte ne pas se laisser faire.